
Collaboration spéciale
L’Oie Blanche, ce symbole de Montmagny, est revenue. Pendant plus de six semaines, la majestueuse sauvagine a peuplé les battures et les rives du Saint-Laurent. La Ville avait pourtant pris son parti de la disparition progressive de cette magnifique ressource touristique. La reine des Oies blanches a-t-elle décidé de ramener son bon peuple en sa capitale? Enquête du journal bien nommé qui a questionné les familiers du grand volatile.
Montmagny reste une halte majeure pour les oies, parmi d’autres
« Contrairement à ce que prétend la Ville, il n’y a pas moins d’oies à Montmagny. On ne peut simplement pas accueillir le cheptel entier qui atteint maintenant un million d’oies», constate Jean-François L’Écuyer, vice-président de la Société d’aménagement et de conservation des oiseaux migrateurs de Montmagny (Sacomm). Les oies sont moins nombreuses dans la région de Montmagny, mais en proportion seulement. Elles y restent aussi moins longtemps. Ainsi le pourcentage des oies chassées à l’automne dans la région de l’estuaire a diminué, « passant de plus de 90% dans les années 1970 à près de 50% dans les années 1990. Récemment, le profil de migration a encore évolué avec la présence de plus d’oies dans la région du Lac Saint-Jean, ce qui entraine des répercussions sur la répartition de la population présente ailleurs au Québec », affirme Mark Johnson, porte-parole du Service canadien de la faune. Cette année, elles sont tout de même venues en grand nombre à Montmagny et « sont restées plus longtemps à cause de la température », fait remarquer Jean-François L’Écuyer.
Pourquoi les Oies sont-elles revenues?
Il ne faut pas oublier que Montmagny représente depuis un temps immémorial une halte sur le long chemin qui sépare l’Arctique de la Virginie aux Etats-Unis, là où les oies passent l’hiver dans un climat plus doux. « Cette année la récolte de maïs s’est faite très tôt au lac Saint-Jean, qui est leur escale précédente durant leur long vol vers le sud-ouest », croit Benoit Gendreau, le responsable du dossier à la MRC de Montmagny. « La nourriture dans les champs y était insuffisante, elles sont donc descendues vers le sud-ouest beaucoup plus tôt », ce qui pourrait expliquer leur arrivée massive très tôt en saison. Il y a eu aussi un phénomène météo : « Les oies voyagent avec les vents », rappelle Jean Guy Boulet, le gérant de la Zone d’exploitation contrôlée (ZEC), un espace public réservé à la chasse aux oiseaux migrateurs. « S’ils sont forts et portants à haute altitude, elles font moins d’arrêts intermédiaires, puisque leurs petits oisillons nés trois mois avant dans l’Arctique peuvent suivre. Ce phénomène naturel est quasi imprévisible, il dépasse tout le monde ». Cette année, les vents favorables, et le manque de nourriture plus au nord, ont dirigés les Oies blanches en grand nombre vers leur vieille capitale québécoise.
Montmagny, pompe à essence ou simple dortoir ?
Lors de leur passage au Québec, « la principale préoccupation des oies est de trouver une nourriture suffisante », explique Benoît Gendreau de la MRC, qui est aussi biologiste et chasseur. « Elles recherchent l’énergie nécessaire, sous forme de graisses, pour poursuivre leur migration ». Mais la pompe à essence de Montmagny s’est tarie. Seul le motel connaît encore un certain succès, mais il n’y a plus de service de déjeuner ni de souper. Pourquoi? Parce que les Oies ont découvert de nouveaux restaurants en cours de route : les champs de maïs! « Auparavant, les oies se nourrissaient surtout de scirpes sur les battures de l’estuaire, principalement dans la région de Montmagny et au sein de la Réserve nationale de faune du cap Tourmente », rapporte Mark Johnson. Mais les battures ont été détériorées par le grand nombre de volatiles. Pour les remplacer, « la grande adaptabilité des oies les a amenées à essayer les champs agricoles disponibles sur un vaste territoire ». Depuis le début des années 1960 et le développement de la culture intensive du maïs, elles ont plus d’inclination pour la qualité des champs agricoles sur l’ensemble de la plaine du Saint-Laurent et du lac Saint-Jean. « Le maïs est une excellente nourriture pour les oies. Il est plus riche que le scirpe en protéines », explique le docteur Gilles Gauthier, professeur chercheur en biologie animale, spécialiste des oies blanches et des espèces nordiques à l’université Laval. « Ce qui a eu comme conséquence que « la population globale de Grande Oie des neiges a augmenté de façon spectaculaire depuis 1965 ».
Le cheptel a connu une croissance exponentielle, passant de la quasi-extinction que représentaient les 20 000 individus d’il ya cinquante ans, à près d’un million actuellement. Ce nombre d’oies dépasse largement les capacités nourricières des battures magnymontoises. Lors de l’arrivée des oies fin septembre, les scirpes sont insuffisants pour les alimenter et les champs de la région de Montmagny ne sont pas coupés. Le site affiche rapidement complet et se détériore très vite. « Depuis que la quantité du troupeau d’oies dépasse la capacité d’accueil, le surplus se répartit partout au Québec », explique L’Écuyer.
« Pourtant 100 000 oies passent encore à Montmagny, où elles ont besoin instinctivement de revenir, pour dormir sur un plan d’eau. Elles broutent également la nuit ce qui reste des scirpes ».
Dans la journée les oies quittent les battures, parce qu’il n’y a plus de nourriture. « Les oies utilisent désormais le fleuve seulement comme dortoir », indique Benoît Gendreau. Dès le matin, elles prennent leur envol pour aller chercher de la nourriture en dehors des battures. « Les oies se rendent parfois jusqu’en Beauce pour trouver à manger », raconte Jean-François L’Écuyer. « Ce voyage ne représente aucune difficulté pour elles. Seulement, durant les quelques heures qu’elles passent en vol et pour trouver leur nourriture, elles ne sont pas présentes sur les battures. Leur absence ne permet ni de les observer, ni de les chasser ». Un phénomène que beaucoup ne croient pas irrémédiable.
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