Je vais commencer cette chronique par une question: pourquoi le conseil municipal de Saint-Jean-Port-Joli va-t-il à l'encontre d'une décision unanime du Comité consultatif en urbanisme? Le Comité consultatif en urbanisme est le seul comité obligatoire dans le fonctionnement d'une municipalité. C'est dire que ses décisions sont très importantes.
Le 26 mai dernier, lors d'une réunion spéciale du conseil municipal, la demande de dérogation mineure pour l'implantation de la SAQ sur la route 132 à un jet de pierre du quai et de l'église classée monument historique a été adoptée comme une lettre à la poste. Le Comité consultatif en urbanisme s'était clairement prononcé contre. Pourtant, une belle unanimité des élus semblait s'être dégagée pour laisser le champ libre aux investisseurs.
Étrangement, le maire, qui devait avoir une réunion plus importante, était absent. En fait, j'avais comme l'impression qu'il n'y avait personne à cette réunion spéciale. Seulement une force invisible qui guidait cette belle assemblée. La triste réalité nous rattrape parfois. On comprend que la propriétaire de l'édifice sur le site convoité veuille s'en départir. On comprend aussi le promoteur désireux de développer son entreprise de construction. On comprend même la SAQ de vouloir développer ses parts de marché. On comprend tous la dynamique de l'économie. Mais le village et ses habitants, quel poids ont-ils dans l'équation?
On a ici affaire à une sorte de partenariat public-privé ou PPP. Les profits pour la SAQ et le promoteur, et pour vous, chers lecteurs, les inconvénients. Un bâtiment très quelconque, sorte de verrue urbanistique, que les locataires, pour ce bail de dix ans, quitteront lorsqu'ils voudront prendre encore de l'expansion. Si au moins on pouvait espérer un projet vraiment exemplaire, aux mains de créateurs locaux, cela pourrait certainement faire une différence. Si notre SAQ n'a pas les moyens de faire des efforts pour le développement harmonieux des villages comme Saint-Jean-Port-Joli, qui le fera?
Les élus croient à tort que l'intégration architecturale est uniquement une question de style et de matériaux. Non, ce n'est pas qu'une question de style ou d'image. C'est une question de fluidité de la circulation et de poésie aussi. Oui, de poésie! Je crois que Saint-Jean-Port-Joli devrait faire de grands efforts afin de préserver cette atmosphère unique dans le cœur du village, que l'établissement au mauvais endroit d'un commerce comme la SAQ risque de détruire.